Discours de l’Ambassadeur de France en Ukraine pour la Fête Nationale (16 juillet 2024, Kyiv) [uk]
Mme la vice-Première ministre,
Messieurs les Ministres des finances et des sports,
Mesdames et Messieurs les vice Ministres,
Messieurs les conseillers du Président d’Ukraine,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et les ambassadeurs,
Messieurs les officiers généraux et supérieurs,
Chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs, chers amis
Merci à tous d’être venus célébrer avec nous la fête nationale française et merci tout particulièrement aux hautes personnalités ukrainiennes qui nous font l’honneur de leur présence. Nous renouons ce soir avec une tradition ancienne qu’il m’a paru important de relever. Nous avons pu le faire grâce à la générosité d’entreprises françaises et ukrainiennes dont vous avez la liste. Je voudrais les citer toutes, ce qui serait trop long, mais je mentionnerais particulièrement Ukrsibbank – BNP Paribas, Limagrain, Matière, Schneider Electric ou encore le Crédit agricole.
Les Français et les amis de la France se retrouvent tous les 14 juillet, mais cette date, en réalité, est double. Il y a le 14 juillet 1789, celle que tous les Français connaissent, celle de la prise de la Bastille, cette forteresse où le roi pouvait emprisonner sans jugement qui bon lui semblait. Sa chute devint le symbole de notre révolution et une référence incontournable pour tous ceux qui défendent la liberté et l’égalité partout dans le monde.
Précisément un an plus tard, le 14 juillet 1790, les citoyens français se rassemblèrent pour célébrer l’unité nationale lors de ce que l’on a appelé la Fête de la fédération, autour de représentants de toutes les provinces et de tous les pouvoirs. Ce moment de concorde et d’espoir ne dura guère, mais cette aspiration à la fraternité ne nous a plus jamais quittés depuis.
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Aujourd’hui mesdames et messieurs, parler de ces valeurs françaises et universelles de liberté, d’égalité, et de fraternité, c’est célébrer le courage de l’Ukraine. C’est évoquer le prix terrible payé pour répondre à la guerre d’agression russe et défendre, encore et toujours la liberté, la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. L’Ukraine démontre chaque jour que le droit et les principes ne prévalent que par le courage de ceux qui sont prêts à donner leur vie et par l’unité de la nation.
Cela nous parle tant à nous, Français, qui nous souvenons, il n’y a pas si longtemps, de l’occupation nazie, de la flétrissure de la collaboration et de la Résistance qui, dans le pays des guerres de religion, avait forgé dans l’ombre l’alliance indispensable entre ceux qui croyaient au Ciel et ceux qui n’y croyaient pas (Aragon, La rose et le réséda), entre Français de naissance et Français de cœur et tous ceux qui étaient « prêts à crier la France en s’abattant » (Strophes pour se souvenir).
Depuis près d’un an que le Président de la République française m’a fait l’honneur de me confier la tâche de représenter ici la République, je suis le témoin admiratif du combat pour la liberté du peuple ukrainien. Je pense aux soldats qui donnent leur vie pour défendre leurs terres et nos valeurs universelles. Mais je pense aussi à tous ceux dont l’engagement à l’arrière, particulièrement les femmes, permet au pays de tenir. Les civils paient un bien trop lourd tribut et j’ai été bouleversé le 08 juillet dernier à l’hôpital pédiatrique d’Okhmadyt de constater les effets de frappes barbares sur ce qui est la plus grande richesse et l’avenir de l’humanité, les enfants.
En mémoire de celles et ceux qui ont donné leur vie pour leur pays et nos idéaux, je vous demande d’observer ensemble une minute de silence.
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Chers amis, votre pays se bat quand il le doit, seul quand il le faut, dans les plus difficiles conditions.
Mais l’Ukraine n’est pas seule. C’est un honneur pour nous et pour tous les amis de l’Ukraine de la soutenir dans son combat autant qu’il le faudra jusqu’à la victoire. Nous le faisons en apportant un soutien en équipement militaire bien entendu, et je sais bien qu’en réalité les canons Caesar et les missiles Scalp, demain les Mirage 2000-5, sont des ambassadeurs de France plus éloquents que moi.
Je pense aussi aux plus de 10.000 officiers et soldats ukrainiens formés par la France, à nos projets dans ce domaine et, dans quelques semaines, à la formation et à l’équipement d’une brigade complète des forces armées ukrainiennes.
Mais le soutien au combat de l’Ukraine doit prendre aussi d’autres formes. Un appui au secteur énergétique bien sûr, durement éprouvé – je me suis rendu dimanche dernier – le 14 juillet précisément - à Kharkiv dans la citadelle ukrainienne invaincue de l’Est où les hivers sont rudes, pour marquer notre attachement à la liberté là où elle est attaquée et remettre 13 générateurs électriques à la société municipale de chauffage.
Un appui humanitaire et au secteur de la santé – je veux ce soir rendre hommage à l’entreprise SERVIER qui finance pour plus de 7,5 M d’euros la reconstruction de l’hôpital de Tchernihiv et d’autres projets pour un montant total de 13,5 M d’euros. Nous procéderons par ailleurs à la remise d’un don dans le domaine de la santé porté par SANOFI que je salue, mais nous y reviendrons. Enfin le Président de la République française a annoncé que nous nous mobiliserions pour venir en aide à l’hôpital d’Okhmadyt et je salue aussi les efforts déployés de son côté par la chambre de commerce franco ukrainienne.
Il s’agit également, dans les domaines de la coopération économique et technique comme de la reconstruction, du développement des activités d’Expertise France, de l’arrivée en Ukraine cet été de l’Agence française de développement ou encore de la signature le mois dernier d’un accord créant un fonds français de 200 millions d’euros pour les infrastructures civiles qui vient s’ajouter au fonds déjà créé dans le domaine des industries de défense.
L’engagement tout particulier de mon pays en soutien à l’oblast de Tchernihiv, où les acteurs français mettent en place depuis deux ans des projets pour plus de 30 millions d’euros, est aussi appelé à se poursuivre, y compris dans le domaine de l’énergie.
Je voudrais enfin citer notre soutien humanitaire et la réhabilitation avec l’OIM de 440 appartements à Dnipro pour les habitants de Marioupol ayant dû fuir. Bien sûr ce soir je pense aux travailleurs humanitaires tués ou blessés par les Russes parce qu’ils venaient en aide aux populations, notamment mes compatriotes travaillant pour l’ONG HEKS EPER, comme aux journalistes tués par les Russes.
Mais j’en viens maintenant à ce qui est le plus fondamental, qui est de répondre au désir profond exprimé par l’Ukraine de devenir un Etat membre de l’Union européenne. Vous avez pu compter sur le soutien total des autorités françaises. L’ouverture des négociations d’adhésion le 25 juin dernier est à la fois un grand succès et le début d’un chemin exigeant, parfois plus qu’on ne le pense, qui fera l’objet d’une évaluation approfondie et objective.
Mais l’Ukraine a démontré sa capacité à avancer à un rythme exceptionnel qui force l’admiration et nous serons à ses côtés pour l’appuyer dans les réformes qui sont devant elles, y compris en déployant une assistance technique. Quelles que soient les difficultés, elles peuvent être affrontées par la confiance, les règles et le courage d’abandonner les pratiques incompatibles avec l’adhésion à l’UE. Fondamentalement ce que l’Ukraine a déjà fait et doit continuer à faire n’est pas et ne sera pas pour l’Union européenne, mais pour elle-même. Je crois fermement enfin, en sens inverse, que cette intégration est essentielle pour renforcer la sécurité, la prospérité, et les valeurs démocratiques en Europe.
Vous pouvez compter sur la poursuite du soutien de la France, autant qu’il le faudra. C’est ce que le Président Emanuel Macron a réaffirmé avec force à Bürgenstock lors du 1er Sommet sur la paix comme lors du Sommet de l’OTAN. Et vous pouvez compter aussi sur l’équipe de l’ambassade de France en Ukraine pour mettre en œuvre cette politique pour laquelle elle est pleinement mobilisée depuis le 1er jour. Permettez moi de rendre hommage pour leur action aux collègues qui sont partis l’année dernière, comme mon prédécesseur l’ambassadeur Etienne de Poncins, comme à ceux qui vont nous quitter cet été et à toute l’équipe qui s’est mobilisée intensément pour préparer l’événement de ce soir.
Mesdames et messieurs, le 06 juin dernier le Président Zelensky qui participait au 80eme anniversaire du Débarquement en Normandie, a été accueilli à juste titre et de façon très émouvante par les vétérans du D day comme un combattant de la liberté.
Et c’est précisément parce que l’Ukraine est ce pays qui combat pour la liberté que dans 10 jours, le 26 juillet, lors de l’ouverture des Jeux olympiques, les yeux du monde entier, réuni à Paris – à de rares exceptions près - seront tournés vers votre pays souverain et meurtri. Je me réjouis qu’une importante délégation ukrainienne, dont j’ai eu la chance de rencontrer certains membres, participe aux jeux olympiques comme aux paralympiques. Elle portera fièrement les dossards jaunes et bleus, mais elle arborera aussi les couleurs de tous ceux qui préfèrent la lutte dans l’honneur au renoncement et à l’esclavage. C’est la leçon que nous a laissée la Grèce antique, celle des Jeux Olympiques comme de la harangue de Périclès, qui s’adressant aux Athéniens menacés par une puissance militaire qui paraissait écrasante, leur disait simplement qu’il n’y a pas de bonheur sans liberté ni de liberté sans vaillance.
Je vous souhaite à tous Mesdames et Messieurs une très belle fête nationale française. Vive la République, vive la France et vive l’amitié franco-ukrainienne !